Jérôme, jeune homme plein d'entrain
Par le biais d’un appel en vidéoconférence, nous échangeons avec Jérôme, 28 ans et originaire du Brabant-Wallon. Il nous raconte comment la cécité est survenue dans sa vie dès le plus jeune âge et quelles adaptations et aides ont été mises en place pour l’aider. Il nous parle également de ses centres d’intérêt et de ses implications dans la vie. Cet entretien fut riche en partage !
Écoutez la version audio de son histoire ci-dessous
Premières années de vie
Jérôme a commencé sa scolarité dans l’enseignement ordinaire mais à ses 8 ans, ses parents l’ont placé dans l’enseignement spécialisé. En effet, des problèmes de vue surgirent dans sa vie dès l’enfance. En fin d’études primaires, il rencontra un prof qui s’est vraiment investi pour lui. Un prof qui tapait tous ses cours à la machine à écrire braille. Par après il perdit complètement la vue à l’âge de 12 ans et commença au même moment sa scolarité dans l’enseignement secondaire spécialisé. C’est là que de nouveaux horizons s’ouvrirent à lui car il put suivre une formation de réceptionniste téléphoniste. Après les secondaires, Jérôme s’est posé pendant 3 ans afin de réfléchir activement à ce qu’il voulait faire dans la vie. Vers l’âge de 21 ans, il s’est tourné vers une asbl pour proposer ses services. Là-bas il put mettre à profit ses compétences en tant que téléphoniste.
L’amour du Braille
Jérôme ne jure que par le braille. Il est fan de lecture et comme il lit beaucoup (au toucher), il préfère avoir le contact avec le livre en version papier (braille) que d’avoir une voix qui lui parle à l’oreille à longueur de journée, il trouve le principe du braille plus reposant. D’ailleurs, il prévoit de lire prochainement l’équivalant de 8 valises remplies de livres braille et il a déjà lu l’Odyssée d’Homère en braille. Epatant n’est-ce pas ?
Pour lui l’aspect sensoriel du braille est très important. Ça lui a pris 3 ans pour apprendre le braille. Comme lorsqu’on apprend une nouvelle langue, il faut un certain temps d’adaptation. Il a d’abord commencé avec une boite à œuf avec 6 compartiments pour reconnaitre les caractères au toucher.
Jérôme donne trois arguments en faveur du braille :
- Cela permet de fortifier ses connaissance en syntaxe et en langue française.
- Le braille sur papier ne dépend pas de la technologie et ne peut pas tomber en panne et c’est un système qui offre plus de stabilité. Un peu comme lorsqu’on oppose un livre papier classique à un e-book.
- De plus, Jérôme adore écouter de la musique classique quand lit des livres.
D’autre part, tous les objets de sa maison son étiqueté en braille. Grâce à sa machine à écrire braille Perkins, il peut ajouter ces inscriptions et se repérer au quotidien. De plus, il utilise aussi une barrette braille pour lire le contenu de son iPhone.
Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, Jérôme encourage fortement les jeunes aveugles qui nous suivent à apprendre le braille.
Son implication dans divers projets
Très altruiste, Jérôme s’implique dans plusieurs associations en apportant son aide en tant que bénévole, etc. Au sein de l’asbl Les Anémones à Grez-Doiceau, Jérôme s’occupe du secrétariat et de la réception par téléphone des appels. Cette asbl s’occupe des jeunes défavorisés qui sont placés par le juge dans des familles d’accueil, notamment. Son poste de travail est adapté à sa situation (programmes informatique, braille, etc.). Jérôme est aussi bénévole dans un bureau d’architecte qui met en œuvre l’accessibilité pour toute personne porteuse d’un handicap. Avec ses collègues ils font des mises en situation pour trouver la meilleure solution en fonction de différents types d’handicap (cécité, handicap moteur, surdité, etc.) sur lieu de travail ou dans différents types d’établissements (école, gare, etc.). Il aide aussi à sensibiliser les gens sur ces réalités rencontrées par les moins valides : par exemple via des mises en situation en fauteuil roulant, etc.
Le fait d’être malvoyant l’aide à avoir une mémoire solide. Par exemple pour retenir les formules d’un tableau Excel. Il souligne aussi l’importance d’avoir ses repères en tant que malvoyant pour certaines tâches (plier des lettres, fermer des enveloppes…). Quand il reçoit du courrier il le fait scanner grâce aux logiciels Kurzweil 1000 et il utilise aussi Jaws pour travailler à l’ordinateur. Chez lui il a la toute grosse imprimante braille Everest et il s’est créé son propre lexique braille pour savoir ce qu’il doit dire aux gens au téléphone (où trouver l’info).
Ses aspirations dans la vie
Pour passer le temps Jérôme adore écouter de la musique classique et des podcasts documentaires sur divers sujets. Jérôme fait aussi de l’équitation dans une écurie pour personnes valides. Pour monter à cheval, il parvient à se repérer dans la piste grâce au tempo du cheval en calculant les foulées. Il est passionné de chevaux depuis tout petit.
Depuis un an, il fait du VTT dans un club pour valide avec l’aide d’un vélo tandem et d’un co-équipier de route valide qui actionne le vélo avec lui. Par ailleurs, Jérôme fait aussi un peu de judo, de guitare et de violon. D’autre part, Jérôme est passionné de thé (grand consommateur et connaisseur) il participe à des ateliers de dégustation de thé organisé par le club chahuté à Louvain-la-Neuve. Ce club veille d’ailleurs à proposer aussi des activités adaptées aux malvoyants et aux aveugles.
Un œil sur l’avenir
Dans l’année à venir, il aimerait pourvoir compter sur l’aide d’un chien-guide. Il a fait sa demande pendant le confinement dans un établissement en France qu’il a pu visiter et on lui a présenté un chien mais le match ne s’est pas fait. Jérôme marchait plus vite que le chien qu’on lui a présenté. D’ailleurs, pendant le confinement Jérôme s’est attelé avec l’aide d’une amie à écrire un guide sur le chien d’assistance,vous le trouverez via ce lien.
Jérôme est très ouvert d’esprit, il vit sa cécité en paix et ne se sent pas vraiment différent d’une personne valide, il aime profiter de la vie pleinement. Comme vous avez pu le constater, Jérôme est plein de ressource et est la preuve vivante que tout est possible, si on s’en donne les moyens. Le conseil que Jérôme veut donner aux gens dans la même situation est de garder le sourire malgré les difficultés rencontrées, aller de l’avant et ne jamais baisser les bras.
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